La porcelaine, histoire et techniques
“la porcelaine […] cette matière terreuse façonnée pardes mains d’homme en un objet de lumière,de doux coloris dans un luisant de pierre précieuse.”Edmond de Goncourt, La maison d’un artiste, 1880
flâme peut s’enorgueillir de fabriquer en France, mais ironie de l’histoire, la porcelaine est pourtant née… en Chine et mettra près de cinq siècles à se développer en Europe !
C’est au XIIIe siècle, entre 1275 et 1291, que Marco Polo, qui parcourt la Chine, découvre cette céramique fine et translucide, alors inconnue en Occident, mais attestée là-bas dès les VIe-VIIe siècles, et plus certainement née sous la dynastie des Tang (VIIIe-IXe siècle après J.-C.). Croyant qu’il s’agit d’un matériau fait de nacre, il la baptise “porcela”, terme qui désigne en italien un coquillage nacré.
Rapidement surnommée “or blanc”, la porcelaine rapportée de Chine fascine les têtes couronnées et puissants de l’Europe entière par sa finesse et sa rareté. En effet, personne ne sait encore de quoi précisément elle est faite ni ne connaît sa technique de fabrication.
Grâce à l’ouverture de la route des Indes par Vasco de Gama, une véritable ruée vers la Chine s’opère à partir de 1498 et un commerce régulier s’instaure entre l’Extrême-Orient et l’Europe. Hollandais, Portugais, Anglais et Français se disputeront au fil des siècles le monopole de l’importation de la porcelaine chinoise.
Parallèlement à ce commerce, des recherches soutenues par des mécènes sont menées avec passion du XVe au tout début du XVIIe siècle pour tâcher de percer le secret de la porcelaine chinoise. Mais ces tentatives aboutissent à une porcelaine qui ressemble à son modèle chinois sans en avoir la dureté ou la sonorité. Qualifiée de “porcelaine tendre”, cette imitation est en général constituée d’argile, de verre pilé (ou fritte), de stéatite ou de chaux, mais il manque toujours l’élément clé : le kaolin, non identifié à cette époque en Europe.
Bien qu’encore imparfaites, ces porcelaines, dites aussi “porcelaines anglaises” et “porcelaines françaises”, contribuent à l’essor des manufactures de Chantilly, Saint-Cloud, Vincennes en France et Chelsea en Angleterre.
C’est en 1709, en Saxe, que la formule de fabrication de la porcelaine dure est enfin percée à jour et qu’un gisement de kaolin est simultanément découvert par hasard. La première manufacture de porcelaine occidentale est crée à Meissen.
LA PORCELAINE DE LIMOGES
En France, c’est en 1712 que le Père François-Xavier d’Entrecolles, un jésuite originaire de Limoges en mission en Chine, décrit pour la première fois dans sa correspondance la technique de fabrication de la porcelaine dure chinoise et introduit les premiers échantillons de kaolin en Europe. La découverte du kaolin dans la région est fortuite : vers 1765, une femme emploie une terre blanche onctueuse comme du savon pour nettoyer son linge. Son mari, formant le projet de commercialiser ce nouveau produit, s’adresse à un pharmacien pour mettre au point la formule et c’est ce dernier qui identifiera le précieux kaolin.
Les premiers gisements de kaolin en France, précisément à Saint-Yrieix-la-Perche, au sud de Limoges, commencent à être exploités en 1768 et approvisionnent les manufactures parisiennes, dont la plus célèbre, Sèvres, puis la première manufacture limougeaude qui ouvre en 1771.
La production prend son essor et ne cessera de se développer jusqu’à la fin du XIXe siècle, entraînant avec elle une filière industrielle complète, de l’extraction du kaolin à la préparation des pâtes en passant par la coupe du bois pour alimenter les fours. De 40 fours en 1837, Limoges compte 114 fours en 1913.
Passées les deux grandes guerres, la filière reprend son activité florissante dans les années 1950 où le service complet en porcelaine est encore un must en cadeau de mariage ! Les manufactures font également appel à des créateurs pour inventer et moderniser les collections. Aujourd’hui, après une période de crise dans les années 80-90, la porcelaine connaît un nouveau regain d’intérêt, notamment dans le domaine du luxe et du design.
La réputation d’excellence de la porcelaine de Limoges fait depuis longtemps des envieux et a généré beaucoup de mauvaises contrefaçons. Pour éviter la supercherie, les pièces authentiques sont estampillées « Limoges France » au vert de chrome sur chaque fond par les fabricants qui peuvent aussi faire figurer leur propre sceau.
Inscrite à l’inventaire du patrimoine culturel immatériel de France, la porcelaine de Limoges bénéficie aussi depuis décembre 2017 d’une IGP (Indication Géographique Protégée). Celle-ci permet de contrôler la provenance des produits estampillés «Porcelaine de Limoges-France» en exigeant que le produit soit entièrement manufacturé dans le département de la Haute-Vienne : fabrication de la forme et du décor.
FABRICATION
La porcelaine n’est pas, comme les autres céramiques (terre cuite, faïence ou grès), issue d’une argile naturelle. Elle doit ses signes distinctifs de blancheur, d’imperméabilité, de dureté, de translucidité et de sonorité à un mélange bien particulier composé de :
- 50% de kaolin (signifie “haute colline” en chinois) : argile plastique très pure et très blanche, c’est l’élément de base de la porcelaine ;
- 25% de quartz : matière dégraissante qui permet d’abaisser le point de vitrification de la porcelaine à la cuisson ;
- 25% de feldspath : roche fondante qui assure la vitrification de la pâte et donne son aspect translucide à la porcelaine.
De l’eau est ensuite ajoutée à ce mélange pour obtenir une pâte qui est différente selon le procédé de façonnage, lui-même déterminé par la forme de l’objet (plein, creux, circulaire, à arêtes…) :
- modelage : la pièce est tournée et estampée à la main, technique généralement employée pour des prototypes et pièces d’artiste.
- coulage : la pâte très liquide, appelée barbotine, est coulée dans un moule de plâtre creux dont les parois poreuses vont absorber l’eau contenue dans la pâte et permettre, après un temps de prise variable (environ 5 minutes pour un flâmeoir mais 30 pour une soupière), une sédimentation de la pâte à la forme du moule. Cette technique est généralement, employée pour des formes creuses relativement complexes.
- calibrage : un pâton de pâte semi-molle est moulé sur un tour à l'aide d'un calibre qui vient l'écraser et lui donner sa forme circulaire et son épaisseur.
- pressage : la pâte quasiment à l’état de poudre, car à peine additionnée d’eau, est injectée sous haute pression (350 bars) dans un moule.

Après le séchage à l’air, le garnissage (pose des anses, becs, etc.) et le finissage qui retire toutes les impuretés risquant de causer des défauts à la cuisson, la pièce subit une première cuisson à 980°C durant 24 heures. On appelle cette cuisson de déshydratation le “dégourdi”.
Après le dégourdi, la pièce prend une teinte rosée et devient poreuse. On va alors l’émailler par trempage dans un bain liquide, teinté ou non. Une pièce non émaillée avant la deuxième cuisson est un “biscuit”.
La pièce subit une nouvelle cuisson de 24 heures dite de “grand feu” à 1400°C dans un four à gaz. La matière se vitrifie alors de façon irréversible et se rétracte d’environ 14%
C’est à ce stade que l’on peut décorer les pièces, par une application d’émail ou de métaux précieux (or, platine), au pinceau, par gravure ou par chromolithographie. Il faudra alors une troisième et dernière cuisson entre 780° et 1350°C pour fixer les émaux et métaux.
Sans rivale pour embellir une table, la porcelaine est aussi un matériau technique exceptionnel par sa dureté et sa bonne conductivité thermique. Elle est ainsi par exemple depuis longtemps employée comme isolant dans les systèmes électriques (interrupteurs, isolateurs haute-tension).
La porcelaine, matériau à la fois authentique et sophistiqué, a su s'adapter et se transformer au gré des nouveaux goûts et besoins des époques qu'elle traverse. Elle demeure vivante plus que jamais !
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