Interview de Karine Boudot, nez-expert pour flâme

Jean Giono a dit "Les dieux créent les odeurs, les hommes fabriquent les parfums."

flâme a choisi de confier cette mission à une femme... 

> Bonjour Karine, pouvez-vous vous présenter ?

J'ai créé ma maison de composition en 2006 avec mon conjoint, également parfumeur-créateur. Notre bureau de création est en région parisienne et la fabrique à qui nous confions nos créations se situe à Grasse. Nous travaillons à la carte, aussi bien pour des marques de niche que pour des marques plus importantes, dans l'univers de la mode, de la beauté et du luxe (Trudon, Nuxe, Vuitton, Fornasetti…).

> Qu’est-ce qui vous a plu dans le projet de flâme ?

Ma rencontre avec Bénédicte de Renty-Lévy a été un moment d'échange très intéressant, entre inconditionnelles des bougies parfumées et passionnées de parfums. J’ai été très sensible à sa personnalité et à ce qu’elle souhaitait révéler avec ses parfums. Son idée de réinventer la bougie parfumée avec un objet design rechargeable et des parfums inspirés d'émotions m’a tout de suite séduite.

> Comment avez-vous créé grand Amour par exemple ?

Composer un parfum est un acte d’affirmation de soi et fait intimement appel à l’inconscient, c’est une création de l’esprit, mais complètement sensuelle. L’objectif du parfumeur est de susciter des émotions, de faire rêver le consommateur final.

Créer la transcription olfactive d’émotions était une occasion unique de partager la passion qui m’anime, mon engagement en faveur de l’excellence artisanale française et de son ancrage dans la modernité.

Pour grand Amour, je suis partie du cahier des charges transmis par Bénédicte, un moodboard composé de couleurs, de sonorités, de sensations et de suggestions de matières comme la tubéreuse, le safran et le miel.

J'ai d’abord imaginé une explosion sensuelle et envoûtante de fleurs fraîches et je me suis focalisée sur un bouquet enveloppant, chaleureux et velouté câlinant la tubéreuse, à laquelle j’ai ajouté le jasmin, la pivoine et la rose. Je voulais également évoquer la passion suave et j'ai ajouté quelques notes de miel et de bois pour donner du volume et de l'élégance. Chacune de ces facettes raconte en choeur le grand Amour !

> La diffusion à chaud, par brûlage, impose-t-elle des contraintes particulières ?

Oui, pour éviter un effet de décalage entre la perception de la senteur à froid et la senteur à chaud, il y a un dosage très particulier des matières à réaliser.

> Y-a-t-il des senteurs qui ne s’accordent pas du tout ?

Non, toutes les senteurs s’accordent selon moi, c’est juste une question d’association, d’harmonie, de jeux d’écriture et de patience…

> Comment se déroule la fabrication à Grasse ?

Installée au coeur du Domaine Sainte Blanche créé par Edmond Roudnitska, la fabrique avec laquelle nous travaillons sur les hauteurs de Grasse est entièrement dédiée à la parfumerie d’auteur et aux parfumeurs indépendants. Là-bas, pas de catalogue de senteurs prêtes à l’emploi, on y assemble les ingrédients -des matières premières triées sur le volet- avec le plus grand soin en respectant les formules exclusives et l’écriture singulière des créateurs.

> Pourquoi la notice de composition d’un produit parfumé ressemble-t-elle tant à une formule de chimiste ?

La législation internationale sur l’usage des produits chimiques impose d’étiqueter la composition d’un produit comportant des molécules chimiques, même à doses infimes, notamment pour prévenir d’éventuels risques allergiques.

Or on l’oublie parfois, mais l’art du parfum est étroitement lié à la chimie.

D’abord parce qu’à l‘état naturel, la matière olfactive est composée de molécules chimiques. La rose, par exemple, combine à elle seule plus de 400 molécules odorantes, les plus caractéristiques étant l’alcool phényléthylique, le citronellol et l’eugénol.

Les parfumeurs ont également appris depuis la fin du XIXe siècle à créer des molécules odorantes de synthèse qui ont ouvert de nouvelles voies de création.

Aujourd’hui , un parfumeur écrit donc des formules de parfums qui associent aussi bien des matières premières naturelles que des molécules de synthèse, offrant de très intéressantes sensations et possibilités.

> Avez-vous une odeur préférée ?

L’odeur de l’herbe fraîchement coupée qui m’évoque l’arrivée des beaux jours !